Bouchra Aghrab est la plus ancienne référente famille de Dordogne. Au centre social L’Arche à Périgueux, elle accompagne des dizaines de parents et leurs enfants sur le chemin du vivre-ensemble. Son travail permet aux familles de se rencontrer, de créer des liens de solidarité, et aux mères du quartier de s’émanciper.
« Depuis toute petite, on me dit que je suis une femme engagée. » Tendre la main aux autres, les aider à prendre conscience de leur richesse : telle est la vocation de Bouchra Aghrab. À 46 ans, c’est une figure incontournable du centre social L’Arche, implanté dans le quartier prioritaire du Gour de l’Arche à Périgueux. Elle y est entrée comme animatrice, diplômée d’un BJEPS spécialisée sur la jeunesse en territoires sensibles. Très vite, elle s’est rendu compte que pour travailler efficacement avec ce public et poser un cadre, il fallait aussi travailler avec leurs parents.
Il y a seize ans, elle est donc devenue référente famille, une mission qui la passionne. Elle a d’abord créé des petits-déjeuners au centre social pour capter les habitants, et en particulier les mamans qui venaient de déposer leurs enfants à l’école. Ce rendez-vous hebdomadaire du vendredi réunit aujourd’hui une trentaine de familles, qui partagent leurs vécus et peuvent rencontrer des partenaires invités par le centre social. Bouchra Aghrab anime aussi un groupe de parole, en binôme avec une pédopsychiatre, pour aider les familles dans leurs difficultés du quotidien avec leurs enfants et adolescents.
Gagner la confiance des familles, apporter de l’espoir
Au fil des ans, elle mesure les progrès accomplis dans l’apaisement de ce quartier caractérisé par une très forte mixité, de nombreuses familles d’origine étrangère et une certaine précarité. Ceci grâce à un travail main dans la main avec les établissements scolaires et à l’implication des parents. « C’est dans le retour des partenaires qu’on voit la réussite de ce travail », se satisfait Bouchra. Elle qui a grandi au Maroc a su gagner la confiance des familles, qu’elle appuie dans leurs démarches et auprès de qui elle joue les interprètes. Un atout précieux qui rassure à la fois les familles et les partenaires.
L’action du centre social permet une ouverture culturelle à des familles d’horizons très divers, et leur (re)donne le sentiment d’appartenir à une communauté. « Ce qui est génial dans ce centre social, c’est que quand une famille arrive, elle voit qu’elle n’est pas seule », note Bouchra. Beaucoup ont fui des pays en guerre et connu des situations personnelles très difficiles. La référente famille doit faire preuve de tact et trouver la juste distance, en pratiquant l’écoute active. « Au début, c’était très dur pour moi d’aborder les histoires de chaque famille, confesse-t-elle. J’essaie de ne pas évoquer tout de suite avec elles le côté douloureux. Je me présente comme animatrice et accueillante, pour les accompagner, qu’ils aient un lieu d’écoute. Au début, je prenais tout à coeur, je pleurais beaucoup. Nous sommes là pour leur apporter une petite lumière, donner de l’espoir, leur faire penser à autre chose. Pas pour qu’ils oublient d’où ils viennent, mais pour qu’ils soient ensemble. »
Une solidarité intergénérationnelle entre les femmes
Au travers des ateliers de cuisine, de danse, des cours de français et toutes les autres actions du centre social, le lien se crée entre les habitants. Bouchra a particulièrement à coeur d’agir aux côtés des femmes, en les aidant à trouver leur place en dehors de leur rôle de mère au foyer. « Elles pensent toujours à leur mari, à leurs fils. Petit à petit, elles ont commencé à prendre du plaisir à des sorties culturelles, elles se gardent les petits. On a créé une solidarité intergénérationnelle », s’enthousiasme Bouchra. Son travail contribue à l’émancipation féminine. Ainsi, depuis 2023, 14 femmes ont appris à faire du vélo grâce à un partenariat avec l’association Vélorution. Une révolution qui leur permet d’économiser sur les frais de transport, de pratiquer une activité physique et de passer de bons moments avec leurs enfants, loin des écrans ! Sans « déraciner » les habitants ni les brusquer, le centre social leur propose une ouverture à d’autres choses, sans jugements de valeur et dans un enrichissement mutuel. « On se nourrit les uns les autres », affirme la référente famille, qui reçoit elle-même « beaucoup d’amour » et de « savoir-faire » de la part de ces familles.
Roshna Khalid, ancienne journaliste afghane, mise à l’honneur
Bouchra oeuvre pour mettre en lumière des femmes inspirantes, au parcours exceptionnel. Le 9 mars 2024, elle a consacré une journée à Roshna Khalid, une habitante du quartier arrivée en France en décembre 2021 après avoir fui le régime des Talibans. Cette ancienne journaliste Afghane et ses trois grands enfants fréquentent L’Arche. Environ 250 personnes sont venues écouter son témoignage, agrémenté d’une saynète jouée par l’une de ses filles étudiante et d’un temps convivial autour de la culture afghane : tenues, bijoux, gâteaux, thé… « Ce n’était pas qu’un débat, nous l’avons alimenté de ce que font les centres sociaux : le bon accueil », sourit Bouchra. L’année précédente, neuf femmes issues de neufs pays différents avaient déjà été mises à l’honneur dans le cadre du Mois des droits des femmes.
Portée par le sens de sa mission, Bouchra Aghrab compte bien continuer à semer les graines du respect et de l’écoute, pour faire fleurir le vivre-ensemble dans le quartier du Gour de l’Arche.
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