L’humain est au coeur des centres sociaux et espaces de vie sociale. Qu’il s’agisse des relations avec les habitants, entre bénévoles et professionnels, au sein des gouvernances ou avec les partenaires et les élus, la façon d’appréhender les rapports humains et de permettre à chacun d’exercer sa citoyenneté doit sans cesse être ré-interrogée. C’était l’objet de la rencontre départementale organisée le 18 octobre 2023 à Douzillac, par la Fédération des centres sociaux du Périgord avec le soutien des partenaires du Schéma Départemental des Services aux Familles.
« Richesses humaines, quel(s) levier(s) pour les centres sociaux et espaces de vie sociale en Dordogne ? » Tel était le thème de la rencontre départementale à laquelle ont participé de nombreuses structures de Dordogne, le 18 octobre 2023 à Douzillac. L’objectif était de poursuivre l’interconnaissance, de partager un enjeu important et d’interroger les pratiques, en interne et avec les partenaires de l’animation de la vie sociale. En perspective, capitaliser pour un livret repère fédéral.
Étaient présents des professionnels et bénévoles des centres sociaux de l’Arche (Périgueux), du Diapason (Marsac-sur-l’Isle), du Ruban Vert, Dronne et Belle), de Passerelle (CC Terrassonnais-Thenon), de Saint-Exupéry (Coulounieix-Chamiers) et des EVS La Pelle aux idées (Sarlat), Soutien Partage Évasion (Villamblard), La Clé (Vergt), IsleCo (Douzillac), La Petite Maison (Le Bugue), ainsi que l’association BASE (Bergerac Actions Solidarité Emploi). Ont également participé des représentants de la CAF, du Conseil départemental et de l’État.
La chercheuse Catherine Neveu a questionné le parcours d’engagement
La journée s’est ouverte par une conférence de Catherine Neveu, anthropologue, directrice de recherche au CNRS, spécialisée dans la question de la citoyenneté et de l’engagement dans les centres sociaux. Elle a abordé en particulier la question du pouvoir d’agir et du parcours d’engagement.
Son regard de chercheuse a quelquefois bousculé les professionnels, en les mettant face à leurs conditionnements inconscients. « Très souvent, les conditions précaires d’existence sont vécues comme des obstacles à l’engagement, au lieu d’être saisies comme des points d’appui pour des changements transformatifs« , a par exemple pointé Catherine Neveu pour illustrer les préjugés et stéréotypes qui peuvent nuire à l’engagement de tous les citoyens.
Elle a invité les professionnels à « revisiter l’idéal normatif du parcours d’engagement« , qui commencerait par la fréquentation d’une activité, se poursuivrait par le bénévolat, et culminerait à l’entrée au conseil d’administration du centre social. Une vision « capacitaire » de l’engagement, il faudrait acquérir comme préalable à la participation à des instances, un certain nombre de savoirs. Cette conception n’est pas celle du Développement du pouvoir d’agir, de l’éducation populaire où on apprend en participant. Cet écueil exclut une partie des habitants. Selon elle, d’autres parcours d’engagement sont possibles. De même, elle a mis en lumière les rapports de domination invisibles qui peuvent exister entre classes sociales, races et genres, au sein même des centres sociaux. La question de l’entre-soi et de la mixité dans les structures a également été évoquée.
Modes de gouvernance, dépendance financière, capacité à agir…
L’anthropologue a suggéré aux participants de « basculer leur regard » pour repenser les modes de gouvernance. Les professionnels ont pu engager le débat sur le « plafond de verre » dans les instances, qui privilégient – de leur propre aveu – les personnalités fortes, originaires du territoire, qui s’expriment avec aisance, … De plus, la logique d’employeur des conseils d’administration peut rebuter et freiner l’engagement de certaines personnes. Catherine Neveu a invité à « être hospitalier à une diversité d’envies et de formes d’engagement et ne pas mettre tout le monde dans le même moule. Une mise en conformité des habitants« . Elle questionne également le renouvellement des Conseils d’administration.
La question de la dépendance financière des centres sociaux vis-à-vis de leurs partenaires a été soulevée par certains participants. Là encore, Catherine Neveu a invité à changer de vision : « Comment on mène un travail de plaidoyer qui porte sur notre force en tant que centre social et pas juste sur notre dépendance ? Les partenaires ont besoin du centre social« , a-t-elle souligné, rappelant qu’il était aussi possible de faire des action sans financements, ou obtenus autrement.
Les professionnels ont ensuite pu s’interroger sur les leviers pour transmettre la capacité à agir, que ce soit de manière individuelle, collective ou politique.
Des ateliers pour réfléchir et améliorer les pratiques
Après cet échange très riche, les participants se sont répartis dans plusieurs ateliers de réflexion et de partage de pratiques, autour de cinq thèmes : le portage collectif du projet social ; l’ouverture et le lien à la diversité des habitants ; le travail « associé » ; l’accompagnement du bénévolat ; et les gouvernances.
Parmi les questions auxquelles ils ont dû se confronter : comment associer la diversité des habitants, les bénévoles et bénévoles-administrateurs ? Comment associer les partenaires, les élus ? Qu’est-ce qui définit les rôles et les pratiques des professionnels, des bénévoles et des bénévoles-administrateurs ? Quels repères et postures doivent adopter chacun des acteurs du travail associé afin qu’il fonctionne ?
La Fédération des centres sociaux du Périgord organise régulièrement ce type de rencontre départementale, indispensable pour mettre en commun les pratiques et surtout, savoir les remettre en question. Ceci afin d’accomplir au mieux la mission des centres sociaux et EVS : nourrir le lien social, animer le débat démocratique, accompagner les mobilisations et les projets des habitants et leur construire de meilleures conditions de vie.
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