La ville d’Agen a la particularité de compter trois centres sociaux municipaux : la Maison pour tous de la Masse, la Maison pour tous Saint-Exupéry et la Maison Montesquieu. Ils sont les acteurs privilégiés du travail de proximité mené aux côtés des habitants, notamment ceux plus fragiles des quartiers prioritaires. Ces animateurs de la vie sociale apparaissent aujourd’hui comme une précieuse porte d’entrée pour favoriser la participation des familles et les coopérations territoriales. Accompagner cette indispensable mutation des centres sociaux, c’est tout l’enjeu du nouveau contrat de projet. Baya Kherkhach, adjointe au maire d’Agen en charge de la cohésion sociale et du mieux-vivre ensemble, nous explique comment.
Quel rôle occupent les centres sociaux dans la politique d’animation de la vie sociale d’Agen ?
Baya Kherkhach : Nous avons trois centres sociaux, sur chacun des quartiers politique de la ville (QPV), ce qui est vraiment une chance. Toutes les villes ne sont pas équipées de plusieurs centres sociaux. Nous sommes dans une phase de renouvellement de contrat de projet, où on réaffirme la place de coordinateur des centres sociaux sur l’animation de la vie sociale sur nos territoires QPV. Ce sont souvent des structures repérées, les seules qui offrent un panel de services à la population sur le territoire, même si d’autres partenaires viennent compléter cette offre. Les centres sociaux sont repérés comme une porte d’entrée unique par la population, qui vient pour tous services. Ce qui pose aussi des défis au niveau des accueils, parce qu’il faut trouver l’équilibre entre répondre le plus possible aux habitants sur l’accompagnement aux démarches, ou encore orienter vers les partenaires concernés.
Nous sommes en pleine réflexion sur ce qu’est un centre social. Et il faut commencer par dire ce que n’est pas un centre social. C’est dire aux partenaires que demain, on souhaite qu’ils jouent un rôle très important à nos côtés dans la construction du contrat de projet. Les centres sociaux sont dans une logique d’être des animateurs de la vie sociale en tant que telle et des acteurs de la politique de la ville. Il faut mettre du liant dans tout ça, et que les actions répondent aux besoins de la population.
Quels seront les grands axes du nouveau contrat de projet pour les centres sociaux d’Agen ?
Le contrat de projet est renouvelé tous les quatre ans. On le fait avec beaucoup de sérieux et de rigueur. C’est un travail engagé depuis janvier, accompagné par un sociologue qui connaît parfaitement l’Agenais, Boris Teruel. J’ai posé un premier acte fondateur en organisant les premières assises des centres sociaux en mai 2023, pour donner le tempo aux partenaires et dire dans quelle direction on allait. Nous avons défini quatre axes. D’abord, la jeunesse : comment on accompagne la jeunesse, avec les partenaires, sur les questions de réussite éducative (avec le CLAS, le PRE) et de citoyenneté, par exemple avec le chantier Ville-Vie-Vacances, qui permet aux jeunes de rencontrer les acteurs citoyens de leur territoire, et dont les centres sociaux sont la cheville ouvrière.
Le deuxième axe est celui de la famille et de la parentalité : comment les familles peuvent s’impliquer plus dans la scolarité, comment être à leurs côtés pour être aux côtés des jeunes ? Mais aussi, quel espace on réserve à ces familles pour qu’elles soient plus participantes dans le projet porté par les centres sociaux et qu’elles viennent elles-mêmes déposer leur parole, leurs doutes, leurs questions et leurs envies au sein des centres sociaux ? Cela nécessite de leur créer de nouveaux espaces dédiés au sein des centres sociaux. Aujourd’hui, beaucoup d’actions sont menées pour les familles et les parents, mais elles nécessitent d’être mieux coordonnées.
Quels autres axes du contrat de projet ?
Le troisième est la mobilisation citoyenne. Comment on implique les habitants des quartiers pour qu’ils soient acteurs, partie prenante des projets qui les concernent ? On a envie d’aller plus loin, de mettre en place une nouvelle gouvernance avec un collège d’habitants, pour qu’ils aient un poids dans ce type d’instance décisionnelle, et pourquoi pas leur flécher des crédits pour monter des projets. Enfin, le dernier axe est celui de la coopération territoriale et partenariale, avec les centres sociaux comme locomotive, en faisant une place aux partenaires, et en veillant à ce qu’ils aient toutes les conditions pour prendre leur place dans ce nouveau pacte territorial. Nous rendrons notre feuille de route à la CAF en décembre 2023.
On sent que les centres sociaux prennent une place de plus en plus prépondérante dans la politique de la ville, qu’ils en deviennent même une pierre angulaire…
Ils sont à l’interface de tellement de missions et de partenaires ! Ils portent des priorités municipales : la lutte contre l’isolement, contre la précarité, contre les inégalités scolaires. Je travaille sur la politique de la ville depuis plus de vingt ans. De mon point de vue, c’est la première fois qu’on va aussi loin sur la redéfinition d’un centre social, sur le cap et l’orientation politique, stratégique, et que l’on est autant en phase avec les besoins des partenaires et les attentes des habitants. C’est absolument précieux. On est bien alignés avec les besoins les uns des autres. Cette temporalité est en phase avec ce qu’on lance dans le contrat de ville de la communauté d’agglomération d’Agen. On gagne en efficacité. Le but, c’est que tout ça soit utile à nos populations. Ce qu’il faut retenir, c’est qu’on rentre dans une nouvelle phase de refondation de nos centres sociaux. Ils sont en pleine transformation, à nous d’accompagner cette mutation.
Comment expliquez-vous cette évolution de la place des centres sociaux ? Est-ce en lien avec les institutions qui paraissent s’éloigner peu à peu des citoyens ?
On a vu une évolution de la façon dont les habitants se positionnent par rapport aux structures, et dans la typologie de leurs demandes. Il y a beaucoup d’accompagnement dans les démarches dématérialisées depuis le post-Covid. C’est tout le paradoxe du moment qu’on vit : la société est hyper dématérialisée, et en même temps, la population a besoin d’être dans une hyper proximité. Pour les habitants, le centre social est parfois le seul lieu où trouver un peu de chaleur humaine. Ce sont des familles qu’ils connaissent, ils ont vu grandir les enfants… Il y a un rapport au centre social en tant que structure et en tant que personne. Il y a un attachement de la population.
L’une de nos mission est d’accompagner la population sur ce qu’est ou n’est pas un centre social. Toutes les structures ont constaté cette évolution des publics dans leurs demandes, une hyper réactivité, des réponses immédiates. Cela nous met en tension entre cet impératif de proximité et ce rappel du périmètre du centre social et de cet écosystème d’acteurs sur le territoire, vers lesquels il faut les réorienter. Tout l’enjeu pour nous, c’est de leur faire mieux connaître les partenaires du secteur. Ce qui est visé, c’est l’autonomisation de la population dans leurs démarches. Je mise beaucoup sur le collège d’habitants, qui doit prendre pleinement la mesure du rôle qu’il doit jouer, et dans lequel nous les accompagnerons. Le défi, aujourd’hui, c’est aussi d’aller chercher les invisibles, le public que l’on ne voit jamais, tous ceux qui pourraient bénéficier des dispositifs et actions des centres sociaux. Toute la démarche d’aller-vers va être au cœur de notre nouvelle façon de faire. »