Développer le pouvoir d’agir des familles, permettre leur émancipation, c’est l’un des piliers de l’animation famille dans les centres sociaux et espaces de vie sociale (EVS). En permettant à leurs projets d’éclore, mais aussi en impulsant des dynamiques collectives qui créent du lien et de l’émulation. C’est ainsi que depuis le mois d’octobre, deux EVS du Pays de l’Isle en Dordogne animent le défi « Foyers à alimentation positive », un challenge inédit et convivial.
Manger plus de bio et de local, voilà qui sonne comme une bonne résolution… en théorie. Car dans la pratique, changer des habitudes alimentaires bien ancrées n’est pas toujours facile. Aussi, le Pays de l’Isle s’est emparé en 2023 d’une opération nationale : le défi « Foyers à alimentation positive » (FAAP). Depuis 2012-2013, partout en France, des territoires se lancent dans ce défi qui vise à démontrer que l’on peut adopter une alimentation savoureuse, bio et locale, sans augmenter son budget courses.
En Dordogne, c’est la première fois que l’opération est menée. Une trentaine de foyers se sont portés volontaires, répartis dans trois structures qui animent le projet, dont deux espaces de vie sociale : IsleCo à Douzillac, et La Clé à Vergt. La troisième est le Centre communal d’action sociale (CIAS) de Neuvic. Entre octobre 2023 et mai 2024, l’objectif est d’accompagner les familles dans un changement vertueux de pratiques alimentaires.
Des ateliers pour apprendre à mieux manger sans se ruiner
Chaque groupe d’une dizaine de foyers se réunit une fois par mois, autour d’ateliers sur différents thèmes. Les participants ont ainsi bénéficié d’un atelier cuisine « Viens manger sans te ruiner » animé par le collectif Les Pieds dans le plat. Ils vont aussi être sensibilisés à la nutrition, découvrir des moyens de se fournir en produits locaux (cagettes, épicerie vrac…), visiter des fermes, ou encore apprendre à s’organiser et cuisiner des plats rapides. En plus de ces rendez-vous, les EVS proposent de mini-défis, comme la réalisation d’un apéro 100% bio et local, le repérage de dix producteurs locaux dans son secteur, etc. Une approche globale, qui ouvre la réflexion sur le mode d’alimentation.
Les foyers présentent divers profils : couples avec enfants en bas-âge, personnes seules, retraités… « Ce sont des gens qui avaient des envies de changement, mais besoin d’un petit coup de pouce« , indique Laetitia Girardot, animatrice à l’EVS La Clé. Les familles se sont prises au jeu et ont tissé des liens. « Elles ont créé un groupe WhatsApp où elles échangent des recettes, des bons tuyaux, des adresses de producteurs« , se réjouit Natacha Thieffin-Fougère, coordinatrice d’IsleCo.
Des relevés de consommation pour mesurer les progrès
Une émulation s’est créée, puisque l’un des groupes sera désigné gagnant. En effet, les foyers doivent mesurer leurs progrès. Ils ont effectué un relevé de leur consommation alimentaire sur deux semaines à l’automne, en saisissant tous les produits achetés et leur provenance sur la plateforme du défi FAAP. Ils feront de même à la fin, pour comparer.
« L’objectif d’un EVS, c’est que ça fonctionne d’une manière assez autonome. Les gens s’autogèrent, on intervient assez peu »
(Natacha Thieffin-Fougère, IsleCo)
Les deux EVS, qui connaissent déjà bien les producteurs locaux, ont réalisé de petits guides pour les recenser et ainsi orienter les familles. Toutefois, même s’ils animent le défi, ils laissent les familles s’emparer du challenge et se débrouiller par elles-mêmes. « L’objectif d’un EVS, c’est que ça fonctionne d’une manière assez autonome. On les a fait se rencontrer, on a trouvé un moyen pour qu’elles communiquent ensemble. Les gens s’autogèrent, on intervient assez peu« , précise Natacha d’Isle Co, qui « coordonne le projet du plus loin [qu’elle] peut« , laissant la tâche de pilotage à des bénévoles.
Chloé, 33 ans : « Cé défi me bouscule et me fait réfléchir »
Chloé Leterre, son conjoint et leur bébé d’un an se sont inscrits au défi FAAP auprès de l’EVS de Vergt. « L’idée était de passer à l’action, ç’a été un déclencheur« , explique Chloé, 33 ans, responsable communication. Le couple était déjà dans une démarche de consommer local et bio. Mais entre les prix en augmentation à la Biocoop et l’arrivée de leur enfant, qui chamboule l’organisation familiale, Chloé cherchait de nouvelles solutions pour « continuer à bien manger et faire par nous-mêmes« .
Les premières semaines lui ont permis de découvrir des producteurs locaux et de les repérer sur le marché de Périgueux où elle fait désormais une partie de ses courses, qu’elle complète dans une boutique de producteurs. « Avant, j’achetais local mais de la région alors que maintenant, j’achète plus local Dordogne. » Et d’ajouter, étonnée : « Je ne savais pas qu’en Dordogne, on cultivait du pois chiche ou des lentilles corail. À aucun moment, je ne m’étais imaginée ça ! »
Elle est ravie de la dynamique collective, par l’exemple lors de l’atelier cuisine. Ce défi l’amène à s’interroger sur sa relation au travail, au temps et à la santé. « Il me bouscule et me fait réfléchir. L’alimentation est une clé au niveau de la santé. Quand va-t-on prendre en considération l’impact positif sur les sociétés ? » Cette opération lui a aussi permis de découvrir l’EVS La Clé. « C’est une super démarche à valoriser. Faire avec les gens, ça marche, il faut garder ça, dans un monde en perte de lien social. »
En portant des projets collectifs comme le défi FAAP, les centres sociaux et espaces de vie sociale permettent le développement du pouvoir d’agir des familles, avec un impact concret sur leur conditions de vie et leur engagement sociétal. « Ce sont plein de petites graines qui sont semées« , conclut Laetitia Girardot.
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