Les premières Assises nationales Jeunes des Territoires Ruraux (JTR) se sont tenues du 12 au 14 juin 2024 à Foix, en Ariège. Plus de 250 personnes y ont participé, pour partager leurs réflexions et expériences sur les problématiques des 15-30 ans en milieu rural, soulever les freins qu’ils rencontrent et mettre en avant leurs initiatives.
Les jeunes ruraux sont confrontés à des freins spécifiques : mobilité, accès aux services plus difficile, dispersion des activités, inégalités… Depuis 2019, un groupe de travail « Jeunes des territoires ruraux » s’est emparé de ces questions, à l’initiative des services Jeunesses et Sports de l’Etat de trois départements : la Dordogne, le Lot et l’Ariège.
Ce collectif s’est associé à des équipes de recherche de l’université Toulouse Jean Jaurès, à d’autres services départementaux (Tarn, Gers, Haute-Garonne et Aveyron), au Conseil économique social et environnemental et à des acteurs associatifs, notre Fédération y était représentée avec sa démarche Construire avec les jeunes.
Les premières Assises des Jeunes des Territoires Ruraux (JTR) organisées du 12 au 14 juin 2024 au Centre Universitaire de l’Ariège à Foix, avaient pour objectif de mutualiser ces travaux, afin que les acteurs de terrain et les politiques publiques se les approprient et les transforment en actions concrètes. Sur les 250 participants, plus d’un tiers étaient des jeunes de moins de 30 ans, dont plusieurs issus de Dordogne. Une vingtaine d’universitaires de Toulouse, Rennes, Lille, Lyon, Pau ou encore Grenoble étaient également invités.
Huit enjeux autour de la jeunesse et de la ruralité
Au programme de ces trois jours : des plénières et 32 ateliers de partage et de co-construction, des stands, animations et échanges autour d’initiatives portées par des jeunes. Le tout articulé autour de 8 thématiques :
- Mobilité : se déplacer ici et ailleurs
- Faire vivre la culture
- Enjeux résidentiels
- Soutenir l’insertion sociale et professionnelle
- Construire des territoires inclusifs
- Santé : bien dans son corps, bien dans sa tête
- Prendre soin du vivant
- Action publique : quand les jeunes s’en mêlent
De ces nombreux ateliers ont émergé des idées, envies et nécessités. Pêle-mêle : accompagner la mobilité des jeunes, favoriser leur participation citoyenne, soutenir leurs expérimentations, faciliter le dialogue entre les générations, accorder des budgets aux projets jeunes, mettre en réseau leurs expériences, former et informer les jeunes sur les modes de vie durables, soutenir l’entreprenariat des jeunes sur l’écologie, créer des espaces collaboratifs, déployer les démarches « d’aller-vers », s’inspirer d’exemples comme le pôle jeunesse de Foix (qui intègre un point Info jeunesse, une permanence santé, des ateliers jeunes, un accueil jeunes…), etc.
La pluralité des structures dédiées à la jeunesse : frein ou richesse ?
Lucas Baigneux, 23 ans, co-président de l’espace de vie sociale (EVS) IsleCO à Douzillac (24), a participé à ces assises. « Ce qui m’intéressait, c’était la pluralité des acteurs, notamment la présence de chercheurs et chercheuses en sociologie et autres, pour mutualiser les problématiques et les réussites autour des jeunes et de la ruralité », confie le jeune homme, qui a trouvé l’expérience « assez riche ».
Le Périgourdin a animé un atelier sur l’insertion professionnelle pour présenter la Coopérative jeunesse de services mise en place chaque été depuis trois ans par IsleCo. Elle permet à des adolescents de monter leur entreprise et de proposer leurs services aux habitants. Son exposé a été complété par l’intervention d’une doctorante en sciences politiques. Sur chaque atelier, un chercheur était en effet invité à s’exprimer afin d’approfondir la réflexion. « C’était vraiment pertinent », estime Lucas Baigneux.
Le jeune homme a apprécié découvrir d’autres expériences, infrastructures et moyens de fonctionnement, qui sont des sources d’inspiration potentielles à importer sur son territoire. Pour autant, ce foisonnement d’acteurs le questionne : « J’ai eu une prise de conscience naïve sur le fait qu’il existe plein de structures qui font plus ou moins la même chose, avec le même objectif, mais gérées ou subventionnées par des entités différentes. Cela peut être un frein pour répondre aux problématiques, et c’est riche en même temps. »
Pour la géographe toulousaine Mélanie Gambino (en photo en tête d’article), ces premières assises sont « très positives ». « Ça montre bien à quel point on a besoin de faire dialoguer les différents types d’acteurs, et de faire dialoguer les jeunes avec ces différents acteurs – élus, géographes, acteurs de terrain – pour favoriser la spécificité des jeunes ruraux. »
➡️ Zoom sur une idée novatrice : la résidence intergénérationnelle de Thégra
Parmi les initiatives intéressantes mises en avant, celle de la résidence sociale intergénérationnelle « Les Trois Ruisseaux » à Thégra (46) a marqué les esprits. Elle est intégré au coeur d’un village de 500 habitants et répond à un besoin du territoire en logeant à la fois des saisonniers, des jeunes travailleurs, des apprentis et des personnes âgées. Quatre logements sont destinés aux seniors, dix au personnel saisonnier. Les premiers locataires sont arrivés en 2022, après dix ans de travail pour faire aboutir ce projet. La résidence est dotée d’une salle commune avec activités et d’un chauffage collectif au bois.
Ce projet bénéficie au territoire en répondant à plusieurs enjeux démographiques et sociétaux :
- Il répond au vieillissement et à la prévention de la dépendance en offrant un habitat adapté ;
- Il permet à des jeunes de se loger à moindres frais grâce à des loyers bas (300€) et d’ainsi « rajeunir » le territoire ;
- Il favorise le développement du lien social, condition indispensable à l’amélioration de la qualité de vie des résidents, notamment âgés.
Questionné sur l’essaimage d’un tel projet (fait-il école dans les communes alentours ?), le Maire de Thégra a expliqué que les élus ne s’emparaient pas vraiment de l’idée et continuaient à chercher des terrains pour des constructions individuelles.
Il a regretté qu’ils ne perçoivent pas la nécessité de travailler sur des collectifs pour habiter et vivre ensemble entre générations.